Chapitre 2  
Les Conditions de la Polygamie

1-  Le Nombre de femmes permises :

 Dans la période pré-islamique (Jahiliya), la caractéristique du mariage consistait à pratiquer une polygamie débridée, allant jusqu’à huit ou bien dix épouses, la limite n’existait pas, jusqu’à ce que l’Islam arrive  pour limiter et  réorganiser la polygamie, et Allah -Le Très Haut- dit :

Traduction relative et rapprochée : « … Épousez alors par deux, par trois ou par quatre, parmi les femmes… »

Ibn Kathir explique ce verset : « Allah permet, dans ce verset, aux hommes d’avoir jusqu'à quatre femmes, et ceci de Sa part constitue une tolérance et une grâce à condition de ne pas dépasser ce nombre , selon l’Unanimité, bien que les chi’ites, quand à eux permettent à tort, à l’homme d’épouser neuf femmes, ainsi que d’autres qui ont toléré plus que cela. En se basant sur le fait que le Prophète  -Prières et bénédiction d'Allah sur lui- avait neuf femmes. »[11]  

Et les Dhahiriya[12] prétendent qu’il est permis à l’homme de se marier avec 9 femmes en prenant comme preuve la parole d’Allah :  

Traduction relative et approchée : « …Deux ou trois ou quatre… », en les additionnent (2+3+4=9) et ceci est un avis chez les chiites.[13]

  Et al Boukhari cite dans son authentique :

« Chapitre : On ne doit pas épouser plus de quatre »

Puis il explique la parole d’Allah :  

Traduction relative et approchée : « …Deux ou trois ou quatre… »

« ‘Ali ibn al Houssayni -qu’Allah l’agrée- a dit : « Ce qui signifie : par deux, ou bien par trois, ou bien par quatre » Comme la parole d’Allah :  

Traduction relative et approchée : « …Qui a fait des anges, des messagers dotés de deux, trois ou quatre ailes » S35 V1 ; C’est-à-dire qu’ils ont soit deux, soit trois, soit quatre ailes. »[14]  

Aussi, on peut citer comme preuve qui limite le nombre de femmes à quatre, le Hadith d’après‘Omar ibn al Khattab -qu’Allah l’agrée-  : « Ghilane Ibn Salama embrassa l’Islam alors qu’il avait dix épouses, le Prophète -Prières et bénédiction d'Allah sur lui- informé lui dit : « Prends quatre épouses parmi elles et sépares toi des autres. »[15]

2- Que chaque épouse ait son propre lieu d’habitation

  Ibn Qoudama dit dans al Moughni :  
« Il n’appartient pas à l’homme de rassembler deux femmes dans un seul lieu d’habitation (
Maskane) sans leur accord (aux femmes) et ceci que le lieu d’habitation ( Maskane) soit petit ou qu’il soit grand. Car cela peut leur porter préjudice quand il y a entre elles de l’hostilité et de la jalousie. Et leur rassemblement sera la cause d’accrochages et de luttes. Et chacune d’entre elles sera au courant de l’affection du mari lorsqu’il ira vers l’autre ou elle le verra.  

Mais si elles agréent cette situation, alors ceci est permis (c’est-à-dire le fait de les rassembler dans un seul endroit) ; car c’est un droit qu’elles ont
(de réclamer un endroit chacune) et il leur appartient de s’en abstenir en le délaissant. » [16]  

Et ibn abi Chayba rapporte d’après ‘Oubad ibn al ‘Iwam, Ghalib qui a dit :  
« J’ai demandé à Hassan, ou, on s’est renseigné  sur le cas d’un homme qui avait deux femmes dans une maison. Il a dit : « Il détestait le « Wajss », et ceci est le fait que (le mari) soit doux avec l’une d’entre elles et que l’autre regarde ».
[17]  

Ces paroles sont appuyées par les preuves suivantes :

  Effectivement Allah a évoqué qu’il y avait des foyers ( Bouyoute) et non un seul foyer ( Bayt ) Lorsqu’Il dit :

 Traduction relative et approchée : « Et restez dans vos foyers… » S33V33  

Et Allah dit :   

 

Traduction relative et approchée : « Et garder dans vos mémoires ce qui est récité, dans vos foyers… » S33V34  

Et Allah dit :  

Traduction relative et approchée : «  Ô vous qui croyez ! N’entrez pas dans les demeures du Prophète, à moins qu’une invitation ne vous soit faite… » S33V53  

Et dans la Sounnah :  

 D’après ‘Aïcha, le Messager d’Allah -Prières et bénédiction d'Allah sur lui- a demandé lors de la maladie après laquelle il mourut : « Où serai-je demain ? Où serai-je demain ? ». Il voulait que ce soit le jour de ‘Aïcha, alors ses épouses lui ont permis d’être là où il voulait. Il était dans la maison de ‘Aïcha jusqu’à ce qu’il y mourut. ‘Aïcha a dit : « Il est mort le jour où c’était mon tour, dans ma maison. Et Allah l’a fait mourir alors que sa tête était entre ma gorge et ma poitrine et que sa salive se mélangeait avec ma salive »[18].   

D’après Anas : « le Prophète -Prières et bénédiction d'Allah sur lui- était chez l’une de ses femmes et l’une des Mères des croyants envoya un plat qui contenait de la nourriture. La femme chez qui le Prophète -Prières et bénédiction d'Allah sur lui- était, frappa la main du servant et le plat tomba et se fendit. Le Prophète -Prières et bénédiction d'Allah sur lui-   rassembla les morceaux du plat puis il se mit à rassembler la nourriture du plat et la mit dans ce qui restait (du plat). Et il dit : « Votre mère a été jalouse ». Puis il retint le servant jusqu’à ce qu’il lui donne un plat de la femme chez qui il était. Et donc il rendit le plat non cassé à celle dont le plat fut cassé. Et il laissa le plat cassé chez celle qui l’avait cassé. »[19]  

Safiya, la femme du Prophète -Prières et bénédiction d'Allah sur lui- , informa (le Prophète -Prières et bénédiction d'Allah sur lui- ) qu’elle allait venir le voir pour le visiter dans sa retraite pieuse des 10 derniers jours de Ramadhan à la mosquée. Et elle parla avec lui pendant une heure puis elle se leva pour repartir. Et le Prophète -Prières et bénédiction d'Allah sur lui- se leva avec elle pour l’accompagner. Jusqu’à ce qu’elle dépasse la porte de la mosquée, au niveau de la porte de Oummou Salama, deux hommes des Ansars passèrent, saluèrent le Messager d'Allah -Prières et bénédiction d'Allah sur lui- et ont accélérèrent leur marche. Et le Prophète -Prières et bénédiction d'Allah sur lui- leur dit : « Rassurez-vous, c’est seulement Safiya bint Houyai ». Et ils dirent : « Gloire à Allah ! Ô Messager d’Allah ». Et le Prophète -Prières et bénédiction d'Allah sur lui-   s’avança vers eux et il leur dit : « Certes satan court dans les fils de Adam comme le sang (court dans ses veines), et j’ai eu peur qu’il jette quelque chose dans votre cœur ».[20]  

3-  L’équité entre les épouses :

Si le fait d’avoir quatre femmes est un droit accordé à l’homme, il est conditionné par l’équité qu’il doit établir entre elles, car Allah -Le Très Haut- a dit :  

Traduction relative et rapprochée : « Mais si vous craignez de n’être pas juste avec celles-ci, alors une seule, ou des esclaves que vous possédez. Cela, afin de ne pas commettre injustice. » S4 V3  

Ibn Khatir dit dans son Tafsir : « Celui qui craint de ne pas être équitable, doit se contenter d’une seule femme, quant aux esclaves (ou captives) le nombre n’est pas limité car l’équité n’est pas une condition, envers celles-ci. »  

Cheikh as-Sa’di a dit concernant ce verset  : « Il lui est seulement permis ceci [c’est à dire la polygamie] s’il ne craint pas d’être injuste et de ne pas être à la hauteur dans leurs droits, et s’il craint une de ces choses alors qu’il se contente d’une seule ou de ses esclaves car pour les esclaves l’équité n’est pas une obligation (…) Et dans ceci, c’est-à-dire le fait que le serviteur s’expose à une chose qui pourrait le faire tomber dans l’injustice ou l’empêcher d’assurer ses obligations, même si cette chose est permise, et bien il ne convient pas qu’il s’y expose. » [21]  

Quand à celui qui penche plus vers l’une que l’autre, alors Allah -Le Très Haut- dit à ce sujet :

Traduction relative et rapprochée : « Ne vous penchez pas tout à fait vers l’une d’elle au point de laisser l’autre en suspens » S4 V129  

Et il est rapporté que le Prophète -Prières et bénédiction d'Allah sur lui- a dit :

« Celui qui possède deux femmes, et aura penché vers l’une plus que l’autre,  
il viendra le Jour de la résurrection avec une partie de son corps bancale ( qui penche) ».
[22]

Cheikh al ‘Outheïmine affirme que le fait d’être injuste envers ses épouses, fait partie des grands pêchés.[23]

De quelle équité s’agit-il ?  

L’équité dont il s’agit est le fait que l’homme soit juste entre ses épouses, dans le partage de ses dépenses comme : la nourriture, les vêtements, et dans le logement, ainsi que tout ce sur quoi il a la possibilité d’être équitable, en somme sur le plan matériel, car comme Allah a dit :  

Traduction relative et rapprochée : « Vous ne pourrez jamais être équitables entre vos femmes même si vous en êtes soucieux » S4 V129  

Cheikh as-Sa’di a dit concernant ce verset  : « Allah informe que les époux ne sont pas capables d’avoir une équité parfaite entre les épouses (…) A vous d’être équitables entre elles dans ce qui concerne les dépenses, les vêtements, le partage des nuits, et autres, contrairement à l’amour et aux relations sexuelles et tout ce qui ressemble à cela. »

Le partage du temps chez la femme après le mariage :

  Anas -qu’Allah l’agrée- a dit :  
« Le Prophète
-Prières et bénédiction d'Allah sur lui- restait chez la vierge sept nuits et si elle ne l’était pas[24], alors trois nuits »[25]

  Oummou Salama rapporte :  
« Quand l’envoyé d’Allah 
-Prières et bénédiction d'Allah sur lui-  
l’épousa, et qu’il voulut partir elle l’a retenu  par son habit c’est alors qu’il lui dit : « Si tu veux je demeure avec toi autant que tu veux, mais saches que j’en tiendrai compte, car une fille vierge a droit à sept jours et celle qui était déjà mariée à trois jours » [26]  

La Sounnah est de rester une journée entière chez chacune de ses épouses :

Anas -qu’Allah l’agrée- a rapporté :  
« Le Prophète 
-Prières et bénédiction d'Allah sur lui-   avait neuf femmes. Quand il voulait partager ses jours entre elles, il ne revenait chez la première qu’après avoir passé le neuvième jour chez la dernière. Elles se réunissaient d’habitude chez celle dont le jour lui était consacré. Un jour se trouvant chez ‘Aïcha, Zeynab entra et lui tendit la main, mais ‘Aïcha protesta et lui rappela : « C’est Zeynab ! », Il retint  sa main, et les deux femmes ensuite entrèrent en discussion à tel point que leurs voix s’élevèrent. Ce fut l’heure de la prière, abou Bakr passa par le Prophète -Prières et bénédiction d'Allah sur lui- et entendant leurs voix, il interpella le Prophète -Prières et bénédiction d'Allah sur lui-  : « Viens à la prière ô Messager d’Allah et mets leur du sable dans leurs bouches (dans le sens de la réprimande), il sortit et ‘Aïcha dit à la suite de cela : « Le prophète va faire la prière et abou Bakr reviendra ensuite pour me réprimander » Lorsque le Prophète -Prières et bénédiction d'Allah sur lui-   fit la prière, abou Bakr lui adressa des paroles sévères et lui dit : « Comment peux-tu faire cela ? » [27]  

Suite de l'article : Chapitre 3:  L’équité sur le plan affectif


[11] Voir Tafsir ibn Kathir
[12]
Les Dhahiriya sont ceux qui prennent le texte dans son sens apparent, les traducteurs.
[13]
Voir ar-Rawda an-Nâdiya annoté par cheikh al Albani, page190.
[14]
Voir Fath al Bari, le livre du mariage vol.10, chap.29, page 173
[15]
Rapporté dans Sahih Sounane ibn Majah (n° 1589 ) et at-Tirmidhi (2 / 295/ 1138)
[16]
Tome 7, pages 26 et 27 
[17]
Dans  «Al Moçannaf », tome 4, page 388 
[18]
Hadith authentique rapporté par al Boukhari (n°5217).
[19]
Hadith authentique rapporté par al Boukhari (n°5225).
[20]
Hadith authentique rapporté par al Boukhari (n° 2035), Mouslim (n°2175), abou Dawoud (n°2470) et ibn Majah (n°1779).  
[21]
Voir Tafsir as-Sa’di
[22]
Hadith rapporté par at-Tirmidhi n°3-4 /115, ibn Majah n° 3/16 et l’Imam Ahmad 
[23]
Voir sa Rissala intitulée Houqouq.
[24]
C’est à dire si elle était veuve ou bien divorcée, la traductrice.
[25]
Hadith rapporté par Mouslim
[26]
Hadith rapporté par Mouslim
[27]
Hadith Sahih rapporté par Mouslim n°46/1462.